Extrait du Bulletin N°6, 1er trimestre 1862, p. 13
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Rapport, au nom de la Société Centrale d'Agriculture,
d'Horticulture et
d'Acclimatation de Nice et des
Alpes-Maritimes, adressé à S.
E. M. le Ministre
de l'Agriculture et des Travaux
publics.
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MONSIEUR LE MINISTRE,
Au mois de juin prochain, la
Société des Alpes-Mari-
times comptera deux années d'existence.
Il lui a semblé qu'elle se devait à elle même et qu'elle
devait surtout aux bontés, dont Votre Excellence n'a
cessé de lui donner des preuves, de mettre sous les yeux
de l'autorité supérieure le résumé de ses travaux.
Depuis son origine, la Société rédige avec la plus
grande régularité un bulletin trimestriel destiné à faire
connaître les travaux du Conseil d'Administration et
des réunions que tient tous les mois la Société. C'est
dans ces réunions que sont discutées les affaires géné-
rales et que sont communiqués les travaux des trois
sections d'Agriculture,d'Horticulture et d'Acclimatation.
Dès la première année de son existence, la Société a
pu organiser à Nice une Exposition Agricole et Horticole
qui n'a pas manqué d'éclat, et qui a donné à la Ville et
au Département le spectacle d'une solennité toute nou-
velle.
Cette année, la Société organise deux expositions.
l'une, horticole de printemps, qui aura lieu à Nice les
2, 3, 4, 5 et 6 Avril ;
L'autre, agricole et horticole d'automne, qui aura lieu
à Grasse en Octobre.
C'est en dotant, tour à tour, chaque arrondissement
de concours et d'expositions que, fonctionnant comme
comice agricole des trois arrondissements de Nice, de
Grasse et de Puget-Théniers, notre Société veut faire
acte de vitalité et de protection indistinctement pour
les intérêts de toutes les localités du Département.
Indépendamment de ces concours annuels, la section
horticole a institué des exhibitions mensuelles qui se
tiennent au bureau de la Société le deuxième jeudi de
chaque mois : Ces exhibitions sont spécialement desti-
nées à la présentation de plantes, fleurs, fruits, légumes,
etc., etc.
Cette innovation a déjà produit des résultats inespé-
rés ; et nous nous applaudissons tous les jours d'avoir
ainsi provoqué le zèle des horticulteurs.
Nous espérons même bientôt faire concourir les agri-
culteurs qui auront introduit la culture des plantes en
pleine terre, des arbustes et des arbres qui n'existent
pas chez nous et, par ce moyen, venir en aide à l'agri-
culture du Nord et former ainsi un lien, une halte,
entre les produits des pays chauds et ceux que le Nord
ne peut pas produire immédiatement.
Un jury, fonctionnant conformément au programme
dressé par la section horticole et adopté par le Conseil
d'Administration, alloue comme primes des certificats
d'honneur et des certificats d'approbation ; et; à la fin
de chaque aimée, le paysan ou jardinier, qui peut repré-
senter un nombre déterminé de ces certificats, a droit à
des primes en argent et à des instruments agricoles et
horticoles.
La Société a fait plus encore : elle a institué, l'année
dernière, des primes pour le traitement de la maladie de
la vigne au moyen du soufrage et a appelé à y participer
tous les viticulteurs du Département.
Elle a éprouvé le regret de ne compter aucun concur-
rent dans l'arrondissement de Puget-Théniers ; mais
elle en a trouvé dans l'arrondissement de Nice et dans
celui de Grasse ; et la distribution des récompenses pour
les concurrents de ce dernier arrondissement a été
l'occasion d'une fête populaire à St-Laurent-du-Var.
Parmi nos travaux et nos efforts de tous les instants,
nous indiquerons :
Les rapport et les études sur le gazonnement des
collines et des terrains en pente ;
Les tentatives faites par la Société et secondées par
M. le Préfet pour l'autorisation de la culture du Tabac
dans l'arrondissement de Nice :
Les mémoires et les études sur l'acclimatation des
plantes exotiques, sur la culture de l'oranger dans le
territoire de Nice, sur la culture maraîchère, sur la
culture du sainfoin, etc., etc., etc.:
La demande d'établissement dans la ville de Nice de
marchés pour la vente des bestiaux et des denrées ali-
mentaires, en faisant observer que cette idée, déjà éla-
borée par la municipalité, a reçu un commencement
d'exécution :
La demande d'études de la conduite des eaux du Var
ou de la Vésubie pour l'irrigation de Nice et de ses en-
virons, en faisant observer que, lors du passage de Votre
Excellence dans nos contrées au mois d'octobre dernier,
vous avez bien voulu ordonner ces études auxquelles on
procède, et en rappelant que l'exécution de ce grand
travail d'utilité publique sera, avec l'endiguement du
Var, un des bienfaits les plus précieux de l'annexion de
Nice à la France.
Nous signalerons aussi les divers essais de piscicul-
ture modestement entrepris, sous les auspices de la
Société, qui s'est mise en rapport avec l'établissement
d'Huningue.
Enfin, nos relations commencent à s'étendre dans
toutes les parties de la France et de l'étranger.
Les bulletins des Sociétés savantes nous apportent
tous les mois une foule de documents intéressants, et ces
livres, joints aux ouvrages précieux que nous devons à
la bienveillance de Votre Excellence et dont nous
demandons la continuation, forment un fonds de biblio-
thèque qui commence à avoir quelque importance.
Aussi, Monsieur le Ministre, avons-nous conçu le
projet, que nous réaliserons dès que nous aurons un
emplacement convenable, d'ouvrir notre bibliothèque
aux cultivateurs et aux paysans, d'y organiser une
espèce de cercle de travailleurs où nous pourrons insti-
tuer des cours et des conférences, en mettant à leur
portée les livres et les bulletins trop volumineux ou trop
scientifiques par les analyses de ces livres et de ces
bulletins.
Nous venons également, sous les auspices de M. le
Préfet, d'écrire à MM. les Maires des trois arrondisse-
ments du Département dans le but de provoquer des
relations de plus en plus intimes entre toutes les parties
du Département et la Société, en leur demandant de
désigner à Messieurs les Sous-Préfets des délégués
chargés d'étudier, dans chaque canton , les besoins de
l'Agriculture et de nous les transmettre.
Obligés de restreindre nos travaux à des conférences,
des publications et des bulletins, que ne ferions-nous
pas si, pouvant joindre la pratique à la théorie, nous
possédions un jardin d'expérimentation, où nous convo-
querions sur le terrain les agriculteurs et les horticul-
teurs ?
Quelle source de progrès et d'améliorations !
Çe ne sont pas nos efforts qui ont fait défaut pour
nous ouvrir cette voie.
La promenade du vieux Château de Nice nous avait
paru à beaucoup d'égards une localité convenable.
Malgré la bonne volonté qui nous a été manifestée, la
municipalité n'a pas cru devoir accéder à cette demande.
Nous avions tenté de nous entendre avec des sociétés
financières pour des acquisitions de terrain. L'élévation
inouïe dans les prix d'achat et d'autres difficultés, inhé-
rentes à la constitution de ces sortes d'affaires, nous ont
empêchés d'arriver à une réalisation jusqu'à présent.
Enfin, nous avons demandé la concession d'une
partie de terrains dont le Domaine de l'Etat doit rester
propriétaire, sur la rive gauche du Var, à la suite de
l'endiguement que le Gouvernement fait exécuter.
L'achèvement de ces travaux, soit sous le rapport
hygiénique, soit sous le rapport des terrains conquis
(1,000 hectares de terrain d'alluvion) dotera Nice d'un
élément de prospérité et de bien être qu'on ne pourra
bien apprécier que dans quelques années. Des difficultés
tenant à la liquidation de l'ancienne entreprise sarde
font en ce moment obstacle à l'octroi de cette conces-
sion, et nous osons, Monsieur le Ministre, vous prier
d'activer la solution de celte question. Toutes les auto-
rités compétentes consultées à cet effet, et notamment
Monsieur le Préfet des Alpes-Maritimes et Monsieur
l'Ingénieur en chef ont donné un avis favorable et nous
espérons, par votre haute intercession, avoir une con-
cession dont nous ferions profiter le Département.
Ne pourrait-on nous faire une concession temporaire
des terrains conquis, même avant que cette question
soit vidée, en faisant prendre à la Société l'engagement
que Votre Excellence jugerait nécessaire ?
Nous remercions sincèrement Votre Excellence des
gracieux envois qu'elle a daigné nous faire, et, en parti-
culier, de celui qui fait l'objet d'une lettre qui accompagne
ce rapport. Que Votre Excellence soit persuadée que nous
l'utiliserons toujours en répondant à la pensée qui l'a
fait agir : ainsi des conférences et des cours seront or-
ganisés dans un but d'utilité pratique. L'étude de là
taille des arbres, du choix des plantes et des fleurs
productives, celles surtout qui alimentent la parfumerie,
leur culture en pleine terre, l'achat des instruments
aratoires et des matières reconnues utiles à l'agriculture
et à l'horticulture, seront l'objet constant de nos préoc-
cupations.
Nous espérons vous donner, l'année prochaine, un
compte détaillé de nos travaux et vous prouver que,
si nous n'avons pas obtenu de grands résultats, nous
avons au moins rempli le but que nous nous sommes
proposés : forcer les hommes intelligents et dévoués
à la prospérité du pays, à se grouper, à s'entendre, à
vulgariser les procédés pratiques agricoles et horticoles,
et à donner eux-mêmes l'exemple des innovations
reconnues utiles.
Nous croyons fermement à l'avenir de notre beau
pays, à l'avenir d'un pays qui, par sa position excep-
tionnelle, deviendra la Serre de la France, acclimatant
les productions des pays tropicaux et les offrant aux
pays du Nord.
Nice, le 2 avril 1862.
